Les enfants intellectuellement précoces (EIP) présentent des caractéristiques comportementales communes qu’on ne peut nier, notamment leur excellente capacité de mémorisation. S’ils sont surdoués, s’ils ont des facilités, ils ont néanmoins des besoins éducatifs particuliers. Il peuvent même être sujets aux troubles des apprentissages et certains passent parfois inaperçus auprès des parents et des équipes éducatives. Quels sont les dispositifs mis en place par l’Éducation nationale pour ces élèves ? Comment les enseignants peuvent-ils les aider lorsqu’ils rencontrent des difficultés ? Vous trouverez les réponses dans ce dossier 🙂 Nous allons d’abord nous intéresser à la définition de la précocité intellectuelle, aux caractéristiques de ces enfants et aux besoins éducatifs particuliers qui en découlent, afin d’offrir un éclairage sur les adaptations à mettre en œuvre lorsque ces élèves rencontrent des difficultés. Bonne lecture !
Comment définir la précocité ?
Les tests de QI
Le concept d'intelligence et la distinction entre plusieurs formes d'intelligence influencent forcément la définition de la précocité intellectuelle et il faut savoir que tous les spécialistes ne sont pas forcément d’accord sur le sujet. Une notion qui peut donc sembler bien floue. La seule caractéristique reconnue par l’Éducation nationale pour affirmer qu’un enfant est intellectuellement précoce ou haut potentiel (EIP ou EHP) est l’obtention d’un score supérieur à 130 aux tests de QI. Les tests reconnus par l’Éducation nationale sont le K-ABC et les tests de Wechsler. Ces derniers sont utilisés par 80 % des psychologues et sont réévalués tous les 10 ans. Le score obtenu est un score relatif qui permet de situer un enfant par rapport à un groupe d’enfants du même âge en évaluant sa mémoire de travail, sa perception visuelle et auditive, sa capacité de traitement de l'information, de raisonnement et sa connaissance de la langue. Les études épidémiologiques estiment généralement que le taux de prévalence des EIP est de 2,3 % au sein de la population générale des enfants scolarisés. Cela représente en France environ 200 000 EIP sur 10 millions d’élèves.
La précocité intellectuelle face à la théorie des intelligences multiples
La méthode du QI peut être néanmoins nuancée au regard de la théorie des intelligences multiples de H. Gardner, psychologue du développement et professeur à Harvard. Selon sa théorie, il n’y aurait pas une forme d’intelligence, mais huit. Aujourd’hui, les technologies d’imagerie cérébrale permettent d’en observer sept. Cette théorie n’a pas pour autant été unanimement acceptée. Le test de QI ne prend en compte que deux types d’intelligence : les domaines verbaux et logico-mathématiques ; alors qu’il existe selon H. Gardner, une intelligence interpersonnelle, une intelligence visuelle-spatiale, une intelligence musicale-rythmique, ou encore une intelligence corporelle-kinesthésique… Selon lui, les tests de QI ne rendraient donc pas compte de la diversité des capacités des individus. Il critique également l’idée selon laquelle l’intelligence serait unique et innée. Pourtant les EIP présentent des caractéristiques neurologiques communes… (ndlr : découvrez également notre article pour tout savoir sur les intelligences multiples !)
Les dernières découvertes sur la précocité intellectuelle
Les techniques d'exploration fonctionnelle du système nerveux commencent tout juste à étudier le traitement de l'information dans le cerveau, mais elles ont permis de mener à un résultat non négligeable concernant la précocité intellectuelle. Un exemple parmi d’autres, Jean-Claude Grubar, professeur de psychologie expérimentale à l’université de Lille, a donné l’explication d’une des spécificités des enfants intellectuellement précoces : l’aptitude à recevoir une grande quantité d’informations et de les organiser avec pertinence. Et l’explication serait… le sommeil ! Les EIP ont des paramètres électrophysiologiques de sommeil différents. L’apparition de la première phase de sommeil paradoxal vient plus tôt, ce qui induit un nombre de cycles de sommeil plus élevé avec une durée plus courte. Ils peuvent recueillir et stocker plus d’informations qu’une personne normale car leurs phases de sommeil paradoxal sont plus importantes. Or, ce sont elles qui jouent un grand rôle dans l’aptitude d’un individu à stocker des informations en provenance de l’environnement.
Une autre étude menée au CERMEP au Centre d’Imagerie du Vivant de Lyon par Dominic Sappey-Marinier et Fanny Nusbaum a permis d’analyser l’anatomie et les spécificités fonctionnelles du cerveau des enfants à haut potentiel. L’IRM de diffusion réalisée auprès d’enfants à haut potentiel et d’enfants au développement cognitif standard démontre que les enfants à haut potentiel présentent une connectivité cérébrale bien plus importante que les enfants au développement cognitif standard dans plusieurs régions du cerveau. Les informations sont transférées plus rapidement au sein d’un même hémisphère et d’un hémisphère à l’autre. Cette étude fait également la distinction entre deux profils : les « complexes » et les « laminaires ». Les premiers ont une connectivité plus élevée dans l’hémisphère gauche, qui est l’hémisphère du langage, alors que les seconds utilisent plus l’hémisphère droit qui contrôle les capacités visuelles-spatiales et permet une analyse objective. L’enfant haut potentiel « complexe » serait plus créatif, plus visionnaire et indépendant, mais aussi plus sujet aux difficultés d’apprentissage et de relations sociales, car il est plutôt centré sur lui-même. Quant à l’enfant à haut potentiel « laminaire », il est plus adaptable, réaliste et cartésien, mais aussi plus sujet à l’anxiété de performance.
Quelles sont les caractéristiques communes des EIP ?
Les enfants intellectuellement précoces ont un rythme de développement intellectuel supérieur à la moyenne des enfants du même âge, tandis que leurs développements affectif et psychomoteur sont dans la norme de leur âge biologique. Ce phénomène est appelé « dyssynchronie ». Que ce soit chez le tout petit, l’enfant ou l’adolescent, on peut observer des décalages en ce qui concerne les centres d’intérêts, l’apprentissage et le comportement. Même si chaque enfant intellectuellement précoce a des particularités qui lui sont propres, on observe des points communs qui les différencient des autres enfants. En voici quelques-uns, même si aucune de ces caractéristiques n’est à elle seule un indicateur de précocité intellectuelle. C’est la conjonction de plusieurs de ces caractéristiques qui peut poser la question d’une éventuelle précocité intellectuelle.
Centres d’intérêt :
- Les enfants intellectuellement précoces sont curieux et veulent savoir le pourquoi de tout. Une fois la réponse obtenue, ils ne s’en contentent pas et souhaitent souvent approfondir le sujet en posant d’autres questions.
- Ils manifestent généralement de l’intérêt pour les questions historiques, la biologie, l’univers, l’informatique.
- Ils aiment la complexité et sont attirés par les jeux de stratégie (ce sont de bons joueurs).
- Il est possible qu’ils se passionnent pour le dictionnaire ou les encyclopédies.
- Ils sont intarissables sur les sujets qui les passionnent.
Apprentissages :
- Ils accèdent tôt au langage, même si pour certains, la parole arrive plus tard. Dans ce cas, elle arrive avec un langage très structuré et un vocabulaire riche.
- Ils ont appris à lire rapidement, parfois spontanément.
- La maitrise de l’écriture peut être tardive, il y a un décalage entre les productions écrites et les performances orales.
- Ils mémorisent vite. Ils cherchent à comprendre le contexte et n’apprennent pas « bêtement ».
- Ils désirent savoir et comprendre, pas forcément apprendre.
- Ils étonnent par le niveau de leur réflexion par rapport à leur âge : ils argumentent de manière cohérente et pertinente.
- Ils ont de bonnes capacités d’abstraction.
- Ils ont une pensée intuitive : ils peuvent donner un résultat juste sans pour autant pouvoir l’expliquer.
- Ils peuvent se montrer distraits mais très concentrés lorsqu’il s’agit d’un domaine qui les passionne (ils font des recherches seuls, travaillent indépendamment des adultes à parfaire leurs connaissances sur un sujet).
- Ils sont hyperesthésiques (perception exacerbée des stimuli extérieurs).
Relationnel :
- Ils sont hypersensibles et hyperémotifs, ce qui peut donner l’impression d’une immaturité affective.
- Ils recherchent la compagnie des adultes ou d’enfants plus âgés.
- Ils sollicitent beaucoup l’attention de leurs parents et des adultes en général car ils ont un grand besoin de reconnaissance de leurs capacités.
- Ils préfèrent travailler seuls, ils sont plutôt solitaires.
- Ils sont en grande demande affective avec leur entourage.
- Ils réagissent vivement face aux injustices.
- Ils peuvent être anxieux et avoir le sentiment d’être incompris.
- Ils ont besoin de sens pour accepter les règles.
Comportement et personnalité :
- Ils sont observateurs et empathiques.
- Ils sont souvent perdus dans leur pensées.
- Ils ont le sens de l’humour et jouent facilement avec les mots, acquisition précoce du second degré.
- Ils témoignent d’une indépendance d’esprit. Ils manient très bien la critique mais aussi l’autocritique.
- Ils peuvent faire plusieurs choses à la fois et donner l’impression de ne pas écouter.
- Ils s’ennuient vite.
- Ils ont une imagination débordante et une grande créativité.
- Ils ont des préoccupations existentielles en décalage avec leur âge.
- Ils sont désordonnés ou peu soignés ou manifestent un perfectionnisme invalidant.
- Ils participent activement en classe, parfois de façon intempestive et critique.
- Ils n’apprécient pas les tâches routinières, l'entrainement, la répétition.
Les idées reçues sur les EIP
Ils seraient plus créatifs car ils pensent différemment
Selon certaines recherches, dont celles de Béatrice Millêtre, docteur en psychologie, spécialiste en sciences cognitives et psychothérapeute, il y aurait deux façons distinctes de raisonner : le raisonnement séquentiel en plusieurs étapes successives (l’étape A mène à l’étape B qui mène au résultat C) et le raisonnement global, où différentes informations sont traitées simultanément, aussi appelé raisonnement en arborescence. Il est vu comme une composante de la créativité. Aucune étude n’affirme que ce type de raisonnement est une caractéristique commune et spécifique aux enfants précoces. Certes, il a été prouvé que la créativité augmente avec le score obtenu au test de QI, mais elle ne progresserait plus aux alentours de 110. Les personnes au QI de 130 ne sont donc pas forcément plus créatives que celles au QI de 110. La pensée en arborescence a été évaluée par plusieurs tests du même type : à partir d’un point de départ, il faut trouver le plus grand nombre d’idées qui en découle en faisant preuve d’imagination. Un exemple ? Trouver le plus grand nombre d'utilisations possibles d'un objet. Résultat ? Si les enfants surdoués obtiennent globalement de meilleurs scores, les enfants normaux réussissent bien à ce genre de tests. La pensée en arborescence n’est donc pas forcément l’apanage des EIP !
Ils seraient souvent en échec scolaire
Des chiffres non vérifiés sont souvent repris par les médias, notamment le fait que la majorité d’entre eux seraient en échec scolaire. Plusieurs études ont montré que plus les enfants ont des QI élevés, mieux ils réussissent scolairement. Selon les données de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), sur un panel, seul 1 % des EIP ont échoué au brevet en 2011 contre 13 % pour le reste de la population.
Ils auraient des troubles de comportement
Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS a publié La légende noire des surdoués en 2017 avec son collègue Nicolas Gauvrit, de l'université Paris-VIII-Saint-Denis. Ces deux chercheurs défendent le fait que, statistiquement, les surdoués ne sont pas davantage des enfants à problèmes, des enfants plus enclins aux troubles psychiques comme l’anxiété, la dépression, les troubles d’apprentissage et de l’attention ou l’hyperactivité voire même aux troubles autistiques. Concernant l’anxiété, 14 études effectuées dans différents pays démontrent que les enfants précoces ne sont pas plus anxieux que les autres. Concernant les autres points, aucune donnée épidémiologique n’appuie ces affirmations, si ce n’est que ces troubles ne sont pas incompatibles avec un haut potentiel intellectuel : dans certains cas, le manque de compréhension de la part des parents, des éducateurs et des professionnels de la santé, combiné à des situations problématiques comme le manque d'éducation différenciée appropriée, peut conduire à certains troubles.
Pour en savoir plus sur les biais qui ont permis à ces idées reçues de se répandre , vous pouvez consulter l’article La légende noire des surdoués par ici.
Certaines caractéristiques des EIP peuvent engendrer des difficultés d’adaptation scolaire :
Les points forts caractéristiques des EIP peuvent devenir des problèmes dans le cadre scolaire et entrainer, s’ils ne sont pas pris en charge, un risque de déscolarisation. La normalité est fixée entre des quotients intellectuels de 70 et de 130 selon la classe d’âge, mais on observe à partir d'un QI de 125 une désynchronisation avec le groupe-classe : c'est à ce moment qu’il y a un risque de déscolarisation, selon les travaux de Jean-Charles Terrassier portant sur 3000 enfants EIP. Les difficultés peuvent toucher tout aussi bien ces élèves non diagnostiqués comme ceux étant signalés EIP.
Certains des points forts typiques des EIP et les problèmes qui peuvent parfois en découler sont présentés dans le tableau ci-dessous adapté de Clark (1992) et Seagoe (1974) par J.T. Webb (1993).
Tableau 1 : Problèmes possibles pouvant être associés aux points forts caractéristiques des enfants à haut potentiel intellectuel.
Points forts | Problèmes possibles |
– Comprend et mémorise les informations rapidement. | – Impatient face à la lenteur des autres ; – rejette la routine et les exercices d’entrainement ; – peut complexifier à tort certains concepts. |
– Attitude curieuse ; – curiosité intellectuelle ; – motivation intrinsèque ; – en recherche de sens. |
– Pose des questions embarrassantes ; – déterminé ; – résiste à l’autorité ; – semble excessif dans ses centres d’intérêts ; – exigeant avec les autres. |
– Aptitude à conceptualiser, à synthétiser ; – aisance avec l’abstraction ; – aime résoudre des problèmes et l’activité intellectuelle ; – invente de nouvelles procédures. |
– Omet les détails ; – difficulté à organiser les détails ; – difficulté à développer un raisonnement, n’en voit pas l’intérêt ; – remet en question les procédures d’enseignement, rejette ce qui est admis. |
– Peut voir les relations de cause à effet. | – Difficulté à accepter l'illogique – comme les sentiments, les traditions, ou à croire quelqu’un sur parole. |
– Amour de la vérité, de l'équité et du fair-play. | – Difficulté à être pratique ; – S'inquiète des problématiques humanitaires ; – hypersensibilité à l’injustice. |
– Aime organiser et catégoriser les choses et les personnes ; – cherche à systématiser. |
– Construit des règles ou des systèmes compliqués ; – peut être vu comme autoritaire, impoli, ou dominateur. |
– Large vocabulaire et maitrise du langage ; – larges connaissances dans de nombreux domaines. |
– Peut utiliser des mots pour échapper ou éviter des situations ; – s'ennuie avec l'école et avec ses camarades du même âge ; – vu par les autres comme un « monsieur ou madame je-sais-tout ». |
– Pense de manière critique ; – a de grandes attentes envers lui-même ; |
– Critique sévère envers autrui et envers lui-même ; – peut se décourager, être déprimé ; – perfectionniste. |
– Observateur passionné ; – prêt à envisager l’inhabituel ; – ouvert à de nouvelles expériences. |
– Concentration trop intense ; – crédulité occasionnelle. |
– Créatif et inventif ; – aime trouver de nouvelles façons de faire les choses. |
– Peut perturber les choses planifiées ou rejeter ce qui est déjà connu ; – vu par d'autres comme différent et hors d’atteinte. |
– Capacité de concentration intense ; – longue durée d'attention lorsque cela concerne ses centres d'intérêt ; – met tout en œuvre pour atteindre son but ; – persévérance. |
– N’aime pas être interrompu ; – néglige ses devoirs ou les personnes durant la période où il est absorbé par l’un de ses centres d’intérêt ; – entêtement, obstination. |
– Sensibilité, empathie ; – désir d'être accepté par les autres. |
– Sensibilité à la critique ou au rejet par ses pairs ; – s'attend à ce que les autres aient des valeurs similaires aux siennes ; – besoin de succès et de reconnaissance ; – peut se sentir différent et aliéné. |
– Haute énergie, vigilance, empressement ; – périodes d’efforts intenses. |
– Est frustré par l’inactivité ; – son empressement peut perturber les autres ; – a besoin d'une stimulation continuelle ; – peut être perçu comme étant hyperactif. |
– Indépendance d’esprit ; – préfère le travail individuel. |
– Peut rejeter la contribution d’un parent ou d’un camarade ; – rébellion contre le conformisme ; – peut être non-conventionnel. |
– Divers intérêts et capacités ; – versatilité. |
– Peut apparaitre dispersé et désorganisé ; – frustré par le manque de temps ; – les autres peuvent s'attendre à ce qu’il soit compétent partout. |
– Sens de l’humour très développé. | – Voit l’absurdité des situations ; – son humour peut ne pas être compris par ses pairs ; – peut devenir le « clown de classe » pour attirer l'attention. |
Tableau adapté de Clark (1992) et Seagoe (1974) par J.T. Webb (1993).
Dans le cadre scolaire, les EIP apparaissent souvent désynchronisés du groupe-classe. Un enseignement classique peut être inadapté pour ces élèves car le déséquilibre entre ce qu’ils peuvent réaliser et ce qu’on sollicite d’eux est trop important. Cela peut parfois les amener à déranger le déroulement du cours et à gêner les autres élèves. Il y a plusieurs profils d’élèves EIP, certains ne poseront aucun problème dans le cadre scolaire et arriveront à tirer profit des enseignements tandis que d’autres peuvent rejeter l’école. D’autres encore peuvent être des élèves moyens et discrets dont le potentiel passe inaperçu : l’environnement social, affectif et culturel de ces enfants joue beaucoup.
Voici les 6 profils d’EIP que vous pourriez rencontrer dans vos classes. Selon les profils, les besoins éducatifs et scolaires et les réponses à y apporter diffèrent.
Les 6 profils d’élèves surdoués que vous pourriez croiser dans vos classes
Voici une retranscription des six profils d’enfants intellectuellement précoces, proposés en 1988 et affinés en 2010 par George Betts et Maureen Neihart, deux chercheurs américains. Ces profils se construisent et se précisent lorsque l’enfant grandit : ils sont bien moins nets à l’école primaire qu’au collège ou au lycée. Il y a souvent un profil qui domine mais l’enfant peut manifester des caractéristiques appartenant à d’autres profils. Ces 6 profils vous permettront de mieux évaluer leurs besoins éducatifs et scolaires et les réponses que vous pouvez apporter en tant qu’enseignant. Ils pourront aussi vous aider à diagnostiquer un élève EIP qui serait passé « inaperçu » pour différentes raisons.
Type 1 – The Successful : l’élève doué qui réussit bien, « caméléon »
Ils ont appris à se conformer au système, adoptent un comportement approprié à l’école et à la maison. Ils réussissent bien les tests de logique et d’intelligence. Soucieux d’obtenir l’approbation des adultes, ils ont peu de problèmes de comportement et sont perfectionnistes. Plutôt que de poursuivre leurs propres intérêts et leurs objectifs à l’école, ils se conforment à la situation en utilisant le système pour réussir avec le moins d’efforts possible.
La problématique est leur de perte d’autonomie et de créativité. Ils sont peu préparés aux défis, au fait de prendre des risques en sortant du modèle établi.
Type 2 – The Challenging : l’élève doué, audacieux et divergent
Leur caractéristique principale est qu’ils ont une pensée divergente. Elle s’exprime par un haut degré de créativité mais ils semblent également obstinés, sarcastiques et sans tact. Ils remettent souvent l’autorité en cause et n’hésitent pas à corriger les adultes et à questionner les règles. Il ne savent pas utiliser le cadre scolaire à leur avantage. Lorsqu’ils se sentent frustrés, ils gèrent leurs relations sociales plutôt par le conflit. Ils sont en constante bataille avec leur estime d’eux-mêmes car le système n’a pas su affirmer leur talent. Les intégrer aux projets et travaux de groupe peut s’avérer complexe car ils donnent l’impression d’être égocentriques et inaptes au travail en équipe.
La problématique : leur incapacité à s’intégrer. Ils sont également plus enclins à la délinquance et à la toxicomanie et doivent être particulièrement suivis à l’adolescence. La question d’une scolarisation classique peut être remise en cause pour ce type de profil.
Type 3 – The Underground : l’élève doué et effacé
Ce sont des élèves qui masquent leurs capacités en adoptant un comportement opposé : ils se sentent différents et vont essayer de le masquer, lorsque leur besoin d’appartenance augmente au collège. Ce sont des personnes souvent anxieuses qui ont une mauvaise estime d’elles-mêmes. Ces enfants qui sont initialement très motivés et très intéressés par des activités académiques ou créatives peuvent subir une transformation radicale, apparemment soudaine, en perdant tout intérêt pour les passions précédentes. Leurs besoins changeants sont en contradiction avec les attentes du système scolaire ou des parents. Ils sont souvent jugés comme étant versatiles.
La problématique : ils sont souvent encouragés et poussés dans une voie ou une activité spécifique par les adultes, alors qu’ils ont changé de centres d’intérêt, ce qui peut augmenter leur résistance. Des alternatives doivent être explorées pour répondre à leurs besoins lorsqu'ils sont en cours de transition, sans pour autant abandonner tout ce qui les intéressait précédemment.
Type 4 – The Dropouts : l’élève doué décrocheur au lycée ou au collège
Les élèves de type 4 sont souvent des EIP qui ont été identifiés tard, pas avant la fin du primaire. Ils sont amers et rancuniers car ils se sentent négligés, rejetés par le système et les autres. Soit ils se retranchent dans un monde secret, soit ils sont constamment sur la défensive. Ils peuvent parfois entrer en dépression. Ils ne font pas les travaux scolaires et leur rendement n’est pas uniforme. Les aptitudes semblent moyennes ou inférieures. Leurs centres d’intérêt sortent du domaine scolaire et ils ne reçoivent pas de soutien et de reconnaissance pour leurs passions inhabituelles.
La problématique : ils se désinvestissent de l’école et ont besoin d’une relation de travail étroite avec l’adulte. Comme l’environnement scolaire classique ne leur convient plus, il peut s’avérer nécessaire d'adapter leur scolarisation et leurs activités extra-scolaires. Les tests de personnalité peuvent être utiles pour mieux les aider à comprendre leurs différences et à adapter leurs centres d’intérêt.
Type 5- The Double-Labeled : l’élève doué à double étiquette
Ils ont des troubles physiques, affectifs ou encore des troubles de l’apprentissage. Ils ont conscience de leur différence ou de leur talent mais ils ne peuvent l’exprimer ou le gérer. Ils peuvent avoir une écriture maladroite, fréquenter l’école en dilettante et fournir des travaux incomplets ou de qualité inférieure car ils ont peur de l’échec (perfectionnisme invalidant). Ils semblent souvent confus au sujet de leur incapacité à effectuer des tâches scolaires. Ils ont tendance à nier qu’ils éprouvent des difficultés, sont sarcastiques pour rabaisser les autres et soigner leur mésestime d’eux-mêmes. Ils sont frustrés de ne pouvoir répondre à leur propres attentes.
La problématique : se sont les enfants les plus difficiles à détecter car ils sont souvent perçus comme étant dans la moyenne. Le système scolaire a tendance à se concentrer sur leurs faiblesses et ne parvient pas à nourrir leurs forces ou leurs talents.
6- The Autonomous Learner : l’élève doué autonome
Ce sont des élèves qui peuvent paraitre semblables à ceux de types 1 car ils ont appris à travailler efficacement dans le cadre scolaire. Cependant, contrairement aux type 1 qui ont tendance à travailler le moins possible, ils utilisent le système afin de créer de nouvelles opportunités pour eux-mêmes. Peu d’enfants présentent ce profil à un très jeune âge. Ils sont indépendants, et autonomes et réussissent sans être particulièrement accompagnés. Ils ont une bonne estime d’eux-mêmes et une indépendance de pensée car leurs besoins sociaux et affectifs sont satisfaits. Ils reçoivent un soutien dans leurs accomplissements et sont respectés par les adultes et leurs camarades. Ils peuvent souvent être « leaders » au sein de leur communauté et de leur établissement. Ils n’hésitent pas à prendre des risques car ils ont conscience de leur potentiel créatif et de leur rapidité de jugement. Ils n’attendent pas les autres pour engager un changement dans la société ou dans leur propre vie. Ils sont capables d’exprimer librement et de manière adaptée leur opinion, leur but et leurs besoins.
Le comportement d’un élève interpelle l’équipe ? Quelle est la marche à suivre ?
Si la majorité des enfants EIP ne sont pas en échec scolaire comme nous l’avons vu précédemment, ceux qui le sont ne sont souvent pas diagnostiqués par les parents et l’équipe éducative. Il faut aussi rester vigilant : ceux qui ne sont pas en échec peuvent parfois être en souffrance psychologique.
Au vu des caractéristiques et des profils évoqués précédemment, si le comportement d’un élève vous interpelle, la première étape est de recueillir des informations auprès des parents et de vos collègues en observant les comportements, en caractérisant les difficultés. Vous pouvez ensuite demander une évaluation psychométrique et un bilan psychologique auprès du psychologue scolaire. Cette analyse approfondie permettra d’envisager les pistes de réponse pour en faire des élèves autonomes dans leurs apprentissages, qui s’adaptent et s’intègrent à l’environnement scolaire, conscients de leurs particularités et en paix avec eux-mêmes.
Cette réponse de l’Éducation nationale repose sur le fait d’adapter le rythme d’apprentissage et de construire un itinéraire différencié individualisé. Cet itinéraire spécial est appelé Parcours Personnalisé de Réussite Éducative (PPRE). Il est piloté par l’équipe pédagogique, en partenariat avec les parents et le psychologue. Il s’agit d’un plan coordonné d’actions, conçu pour répondre aux difficultés de l’élève, formalisé dans un document. Il est important que les objectifs, les modalités, les échéances, et les modes d’évaluation soit fixés pour que l’élève puisse mesurer la réalité des progrès accomplis. En effet, les EIP sont sensibles à la notion d’engagement et à la définition d’objectifs clairs qu’ils devront remplir. Il s’agit d’un outil de motivation qui doit aider l’élève à prendre confiance en lui-même.
Les adaptations possibles pour répondre aux besoins éducatifs particuliers des EIP
Au niveau des contenus :
- L’approfondissement des matières où l’élève est brillant : exposés, recherches approfondies, projets interdisciplinaires, valorisation des travaux personnels et complémentaires.
- L’enrichissement par l’utilisation de supports multiples et variés, l’utilisation d’outils numériques.
- Limiter la répétition : privilégier le réinvestissement avec le même objectif, mais avec davantage de complexité.
- Différenciation lors des exercices : commencer par l’exercice le plus difficile et éviter la répétition s’il est réussi.
- Proposer une activité en autonomie si l’élève finit avant les autres.
- Respecter son rythme s’il est très perfectionniste.
- Donner plusieurs tâches simultanées.
- Donner du sens en précisant les objectifs des séquences proposées, leur contexte et le champ d’application.
- Associer le plus possible les activités intellectuelles et des activités d’expression et de réalisations physiques.
Au niveau de la méthodologie :
- Favoriser une pédagogie du contrat, avec des objectifs spécifiques à atteindre, des obligations valables pour tous à respecter, et des bilans réguliers.
- Apprendre à l'élève à hiérarchiser en découpant le questionnement par étape, et en lui montrant l'utilité de ces étapes.
- Apprendre à l’élève à ordonner, à synthétiser et à argumenter.
- Apprendre à l'élève à formuler, à rédiger ses réponses .
- Travailler la compréhension des implicites (notamment pour les consignes).
- L’aider à s’organiser (matériel) et à structurer ses cahiers et classeurs.
- Lui enseigner des stratégies de mémorisation qui prennent appui sur le sens, la logique et sur des moyens mnémotechniques.
- Utiliser des guides méthodologiques ou des affiches pour l’aider à produire un travail conforme.
- Ne pas se focaliser sur la forme mais sur le fond dans le cadre du travail quotidien en l'amenant progressivement à se rapprocher de l’attendu.
- Ne pas sanctionner d'emblée un fonctionnement inadapté aux exigences scolaires, mais accompagner l’élève vers une adaptation à ces exigences en les justifiant.
- Favoriser son auto-évaluation.
Au niveau relationnel :
- L’aider dans la prise de conscience de ses particularités et de leur incidence sur sa relation aux autres.
- Lui apprendre à revendiquer son droit à la différence.
- L’aider à comprendre les autres et à communiquer d’une façon adaptée et respectueuse.
- Proposer des tâches visant à donner à l’élève un rôle à jouer dans le groupe-classe : tutorat, challenge, partage de connaissance…
- Lorsque l’EIP a tendance à monopoliser la parole, ne pas hésiter à différer les réponses que l'on apporte, à canaliser l'expression orale.
- Canaliser sa recherche de relation exclusive avec l'adulte.
- Rappeler de manière simple aux autres élèves de la classe les spécificités de certains élèves et les raisons des aménagements dont ils bénéficient.
Quels accompagnements pour les EIP en difficulté ?
Si des difficultés persistantes sont constatées (élève de type 5), comme des troubles de l’apprentissage, affectifs ou physiques, c’est le médecin scolaire (en partenariat avec l’équipe éducative, le psychologue et les parents) qui pilote la mise en place d’un Plan d’Accompagnement Personnalisé. Il doit répondre aux besoins liés aux troubles et à ceux liés à la précocité intellectuelle. Après des bilans sur le langage oral/écrit, sur la santé et le développement de l’élève, des propositions de prise en charge interne ou externe ainsi qu’un accompagnement de la famille seront mis en place.
L’infirmier(ère) scolaire participe à l’accueil de l’élève en veillant à son bien-être et à son épanouissement. Son rôle d’écoute et d’accueil est particulièrement important dans les établissements du second degré. Il peut être utile qu’une personne de l’établissement ait le rôle de médiateur entre l’élève, l’équipe enseignante et les parents. Ce médiateur devra l’aider à verbaliser les situations problématiques, à les analyser et à construire des solutions adaptées.
Un référent EIP au sein de chaque académie disposant d’une expertise et de nombreuses ressources peut aider les parents et la communauté éducative à répondre aux besoins des élèves EIP en difficulté.
Nous espérons que ce premier dossier sur les enfants à besoins particuliers vous aura permis d’en apprendre plus sur le sujet ! Si vous avez une expérience avec un élève EIP, des conseils pour les collègues, n’hésitez pas à nous les partager !
Sitographie
- Les enfants précoces ont-ils un cerveau différent ? – Science pour tous, 2014.
- La légende noire des surdoués – LaRecherche.fr, 2017.
- Enfants surdoués, mythes et réalités – LesEchos.fr, 2017.
- Rapport sur la scolarisation des élèves intellectuellement précoces – J.-P. Delaubier, ministère de l’Éducation nationale, 2002.
- Un cas particulier d'élèves à besoins éducatifs particuliers : les intellectuellement précoces – Actes de l'université d'automne – Le système éducatif français et les élèves à besoins éducatifs particuliers, 2003.
- Table 1 : Possible Problems That May be Associated with Characteristic Strengths of Gifted Children, adapté de Clark (1992) et Seagoe (1974) par J.T. Webb, 1993.
- Le sommeil paradoxal des EIP, J.-C. Grubar, 2006.
- Les caractéristiques développementales d'un échantillon d'enfants tout-venant "à hautes potentialités" (surdoués) : suivi prophylactique article de L. Vaivre-Douret, 2004.
- Profiles of the gifted and talented G. Bett , M. Neihart, 1988.
- Scolariser les élèves intellectuellement précoces (EIP) Ressources d'accompagnement pédagogique Éduscol, 2013.
Bibliographie
- La précocité intellectuelle : de la mythologie à la génétique,J.-C. Grubar , 1997.
- Le livre des vrais surdoués, B. Millêtre, 2017.