La disparition des notes est un sujet dont vous avez forcément entendu parler. Et vous avez probablement déjà votre avis sur le sujet. On s’est penché sur le cas des collèges ayant expérimenté cette méthode. Que peut bien changer l’absence de notes dans la motivation des élèves ? Comment ça se passe au quotidien du côté des élèves, des parents et des enseignants ?
Sommaire
UN PETIT POINT SUR L’ACTUALITE
En 2014, le jury de la conférence nationale sur l’évaluation s’est prononcé en faveur de l’abandon de la notation chiffrée pour les cycles 1, 2 et 3 – sixième incluse. Ces recommandations n’ont pas été suivies par le ministère de l’Éducation nationale. Dans le cadre de la réforme sur l’évaluation, la liberté du mode d’évaluation est laissée aux équipes enseignantes. Ainsi, le tiers d’enseignants utilisant encore les notes en primaire pourront poursuivre les exercices notés et les collèges sans notes pourront poursuivre leur démarche. Combien sont les collèges ayant expérimenté l’absence de notes ?
En 2014, d’après le ministère de l’Éducation nationale, plus de 350 collèges réfléchissaient à l’évaluation, 86 avaient fait le choix de ne plus noter les élèves et 265 établissements, sans supprimer la note de façon systématique, expérimentaient de nouveaux moyens d’évaluation. Soit tout de même 10 % des collèges en France…
On s’est demandé quel était le bilan pour ces collèges.
A QUOI SERVENT LES NOTES ?
En théorie, une évaluation par notes ou par compétences, qu’est-ce que cela change pour l’élève ? Si vous vous posez cette question, nous allons ici vous donner des éléments de réponse.
La note comme facteur de motivation des élèves : pas si essentielle
La note est un critère chiffré, qui sert à objectiver la progression d’un élève et à le classer par rapport à un groupe ou à une classe. Pour certains élèves, la comparaison avec d’autres peut stimuler leur compétitivité et les pousse à se surpasser. Mais la note ne fait pas tout : la réelle motivation est liée au plaisir de la réussite… dont un des facteurs se trouve dans le sens que les élèves donnent aux apprentissages qu’ils accomplissent.
C’est ce que dit la théorie de Deci et Ryan : la motivation extrinsèque – c’est-à-dire quand l’action est provoquée par une circonstance extérieure à l’individu (punition, récompense, pression sociale, obtention de l’approbation d’une personne tierce…) – est moins efficace que la motivation intrinsèque – quand l’action est conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir que l’individu trouve à l’action, sans attente de récompense externe.
La note ne fait pas tout : la réelle motivation est liée au plaisir de la réussite… dont un des facteurs se trouve dans le sens que les élèves donnent aux apprentissages
Alors les notes comme moyen de stimuler les élèves oui, mais pas seulement. La « pression » et la compétition générée par les notes relèvent d’une motivation extrinsèque. Il ne faut pas oublier de donner du sens. C’est d’ailleurs ce que nous faisons par nos appréciations, qui viennent compléter la note, la préciser, et s’adressent directement à l’élève.
Les notes peuvent marginaliser davantage les élèves en difficulté
L’effet de comparaison avec les autres peut vite conforter certains élèves dans l’idée qu’ils sont « nuls » et générer un cercle vicieux. L’élève s’habitue à l’échec. S’il travaille, il n’y arrive pas. Pourquoi continuer ? Plus un élève est resté longtemps en situation d’échec scolaire, plus il est probable qu’il développe une socialisation en opposition au système scolaire. La honte et la dévalorisation peut induire des comportements dissipés ou agressifs en classe, ou bien un absentéisme marqué. Vous apercevez la solution : lui redonner confiance dans sa capacité à apprendre et à appliquer, en favorisant les expériences de réussite, même infimes.
Redonner confiance, en favorisant les expériences de réussite, même infimes
L’évaluation par compétences : un retour plus précis sur le travail des élèves
Evaluer les compétences acquises, partiellement acquises ou non acquises permet au professeur de pointer les points faibles pour qu’il sache précisément comment s’améliorer. Cela montre aussi les points forts qu’il pourra vivre comme de petites victoires. L’élève sait quelles compétences il doit précisément travailler et quelles sont celles qu’il maîtrise déjà. Ce petit détail a son importance pour les élèves en difficulté qui se jugeront peut-être « moins nuls ». Et nous allons vous donner une piste d’explication.
Vous connaissez l’effet Pygmalion ? C’est le psychologue Rosenthal Jacobson qui est à l’origine de cette théorie. Des enseignants ont pris en charge deux groupes d’élèves. Le groupe 1 était annoncé comme étant un groupes d’élèves à fort potentiel et le groupe 2, un groupe sans potentiel. (Les deux groupes étaient en fait composés aléatoirement mais ce paramètre était tenu secret pour les participants à l’expérience). Le résultat ? Les élèves jugés plus intelligents deviennent plus performants. Pourquoi ? Parce que les enseignants avaient manifesté plus d’attentes positives envers les élèves du groupe 1 : plus d’encouragements, de patience, de retours sur leur travail… Les élèves censés être « sans potentiels » du groupe 2 n’ont pas bénéficié des mêmes attentions. Comme quoi, nos a priori sur le capital culturel et social des élèves peuvent influer notre façon d’évaluer – dans un sens comme dans l’autre ! – sans qu’on en ait conscience.
Evaluer par compétences permettrait donc de faire des retours et d’encourager de manière un peu plus homogène qu’avec les notes comme unique mode d’évaluation. L’élève en difficulté pourrait bien développer sa confiance et sa motivation à apprendre, grâce à ces petites victoires sur des domaines de compétences ciblés.
LE BILAN DANS LA VIE REELLE
Qu’en pensent les élèves ?
Les avis d’élèves du collège Albert Camus à La Rochelle sont édifiants. Les élèves de 6e et de 5e y sont évalués uniquement par compétences, à l’aide de codes couleur (vert – orange – rouge). Une enquête menée auprès de leurs élèves (deux classes de 6e et une classe de 5e) en 2014/2015 donne des résultats plutôt encourageants :
- 98 % des élèves interrogés comprennent ce nouveau système d’évaluation et en sont satisfaits
- 80% des élèves pensent que la note ne manque pas
- 100 % des élèves en 5ème comprennent mieux ce que les enseignants attendent d’eux
- 76 % des élèves discutent plus facilement avec leurs parents de leurs résultats
Petit tour d’horizon du ressenti des élèves…
« En français, j’accumule les très mauvaises notes car je fais plein de fautes d’orthographe. Avec l’évaluation par compétences, j’avais sur la même copie NA (non acquis) en orthographe, mais RT (réussite totale) à d’autres compétences comme celle de ‘retrouver la règle de grammaire qui s’applique’. C’était beaucoup moins décourageant, je voyais que je n’étais pas nulle en tout. » Déclare une élève de 4e du collège Georges Clemenceau à paris, parlant de son expérience en 6e et 5e sans notes.
C’était beaucoup moins décourageant, je voyais que je n’étais pas nulle en tout.
Certains élèves ne sont pas réticents à avoir à nouveau une notation en 4e, cela leur permettrait de mieux se situer pour le brevet. Cette même élève déclare : « Au moins, quand j’ai 13 en maths, je me dis que je suis bonne. Avec les compétences, j’avais de RT mais aussi des RP (réussites partielles), et au final je ne savais pas si c’était globalement bien ou pas. » Un autre élève est du même avis : « C’est plus facile pour se situer. Si on a plus que la moyenne, c’est que ça va ».
L’enquête réalisée au Collège Albert Camus de La Rochelle, mentionnée précédemment, montre d’ailleurs que le pourcentage d‘élèves souhaitant continuer sans les notes décroit en cinquième.
Source l’Etudiant, 17/12/14
Et les parents dans tout ça ?
Si au collège Albert Camus, l’absence de note ne semble pas avoir dérangé les parents, attendez-vous à faire face à des craintes nombreuses chez certains parents d’élèves.
A Albert Camus, pour 90 % des parents interrogés, les grilles et les bulletins utilisés sont suffisamment clairs. La majorité des parents pensent que l’évaluation sans notes contribue à faire aimer l’école aux enfants et 70 % pensent que leur enfant a davantage confiance en lui avec ce système. Si 75 % des parents d’élèves de 6e souhaitent que leurs enfants poursuivent dans « une classe sans notes », cette proportion décroît à mesure que l’on approche du brevet…
Et qu’en pensent les collègues ?
« Au final, on ne fait pas moins d’évaluations, au contraire, mais c’est plus fin […] Ça permet de sortir de cette conception de la moyenne de fin de trimestre. » témoigne Julien Degalle, prof d’EPS et professeur principal d’une classe de 6ème au collège Elsa Triolet à Saint Denis. « Ça nécessite des moyens que l’on n’a pas, en termes d’heures de concertation, de temps de formation, de seuils par classe… Pour l’instant, ça fonctionne sur du volontariat. Mais les idées se diffusent, on discute entre collègues. Et ce qu’on va générer cette année aura des conséquences bénéfiques pour les années suivantes. »
Source JSD du 18/01/16
Pour les professeurs du collège Albert Camus, la recherche et la création d’outils ergonomiques et compréhensibles par tous (élèves, familles, professeurs) est le plus laborieux. A ce jour, aucun outil trouvé “clé en main”, malgré des outils existants jugés non adaptés à leurs besoins. Il leur a fallu créer un bulletin coloré à partir d’un tableur en tenant compte de l’hétérogénéité des pratiques disciplinaires et du vocabulaire propre à chaque matière. Le renouvellement des équipes pose également un problème sur un tel projet.
Mme Boudier, professeur de Mathématiques au collège Gabriel-Séailles, à Vic-Fezensac déclare : « Je me réjouis surtout que notre système ait fait monter le niveau d’ambition. On a tous connu les bons élèves qui se fixaient pour horizon le 12 sur 20. Avec les couleurs, ils ne peuvent pas mettre cette logique à l’œuvre. Nos très bons élèves sont encore meilleurs et nos plus faibles perdent moins courage ». Mme Thiriet, professeur d’Histoire-Géographie dans le même établissement : « Nous évaluons des compétences très fines (…) Ainsi, en français j’ai ajouté l’item “j’ai écrit un texte particulièrement réussi” qui permet de distinguer une bonne copie d’une excellente ».
Source Le Monde 2/12/14
Selon l’enquête menée par l’académie de Poitiers en 2014 auprès des enseignants de classes sans notes :
- 57 % pensent que les effets sont négligeables en termes d’apprentissages
- 74 % pensent qu’en termes de comportements cela a eu des effets positifs : les élèves se montrent plus calmes, moins angoissés et ont une meilleure estime d’eux-mêmes.
Ce qui est mis en exergue par ces témoignages et enquêtes, c’est que les élèves perdent moins confiance et comprennent mieux comment s’améliorer. L’évaluation est également plus complète, mais cette pratique demande un investissement plus important de la part des professeurs.
Les élèves se montrent plus calmes, moins angoissés et ont une meilleure estime d’eux-mêmes
Mais trouver les bons outils, et communiquer ne sont pas les seuls défis des classes sans notes. Les enseignants doivent revoir complètement leur manière d’évaluer. Quelles sont les compétences indispensables pour l’élève ? Comment évaluer plusieurs fois la même compétence ? Quelles sont les méthodes pour le suivi de l’élève ? Laquelle choisir ?
A écouter les collègues qui se sont lancés et évaluent désormais par compétences, le jeu en vaut la chandelle !
Si vous vous demandez à quoi ressemble un bulletin sans notes, allez par ici 🙂
Je travaille dans un petit collège qui pratique l’évaluation par compétence en 6ème (pour toutes les matières et toutes les classes) et en 5ème (pour les volontaires) depuis 5 ans.
Je suis globalement d’accord avec les éléments statistiques cités dans l’article.
La réussite de notre expérience vient, selon moi, du fait que ne sommes pas partis du socle mais de nos propres pratiques pour élaborer nos référentiels de compétence. Un dialogue avec des collègues d’autres collèges a également été bénéfique. Chaque matière a son propre référentiel et depuis cette année nous évaluons quelques compétences transversales, essentiellement liées à l’attitude.
Il y a un autre côté positif : je donne aux élèves avant chaque contrôle une fiche de révision avec les éléments sur lesquels ils sont susceptibles d’être interrogés. Cela permet aux élèves de s’y retrouver, surtout les élèves “moyens”, et cela m’a permis de clarifier mes attentes…
Nos soucis se concentrent autour de deux points : la communication des résultats aux parents qui reste difficile malgré l’utilisation de Sacoche ; la remédiation après un diagnostique précis.
Enseignant en histoire-géographie, je pratique l’évaluation par compétences depuis trois ans, mes collègues de 6e l’ont mis également en pratique depuis la rentrée, et dès la rentrée de septembre on l’utilisera sur l’ensemble des niveaux; une fois que cela a été expliqué aux parents et aux élèves ils en ont compris l’intérêt – cela n’empêche pas de conserver la notation grâce à un tableur qui traduit l’ensemble des compétences utilisées sous la forme d’une moyenne évolutive; nous ne sommes pas encore au stade du bulletin sans notes, et puis cette pratique ne concerne à ce jour que l’histoire-géographie: il est difficile de faire évoluer les mentalités.
L’évaluation par compétences permet de montrer que tous les élèves maîtrisent des compétences, ce qui est moins démoralisant qu’une série de notes régulièrement inférieures à la moyenne et qui tendent à décourager les élèves en difficultés: qui face à une note ont dû mal à dégager les points positifs; de plus, cela favorise des évaluations ciblées selon les objectifs des compétences travaillées lors d’un chapitre, et donc des évaluations qui peuvent être courtes. Enfin, cela favorise la remédiation lorsque l’élève a compris les points sur lesquels il doit porter ses efforts.
Contrairement au message précédent de Lucien, je dirai qu’au contraire il plus facile de communiquer avec les parents, notamment lors des réunions parents-professeurs au cours desquelles je leur montre la situation de leur enfant via leur tableau des compétences évaluées; les couleurs sont suffisamment parlantes pour mettre visuellement en évidence les compétences acquises ou non, l’évolution des résultats de leur enfant, et par le croisement de compétences leurs réelles difficultés; je ne travaille pas avec sacoche que le collège ne possède pas mais avec un tableur personnel.
Tout comme Lucien, les évaluations sont ciblées selon les compétences attendues ce qui évite les effets de surprise et surtout les évaluations qui souvent cherchent à être exhaustives et répétitives dans la nature des exercices demandés.
Juste une précision concernant la communication en direction des familles.
Je suis d’accord avec Alain : en tête à tête ou sur le bulletin, pas de souci d’explication/compréhension.
Le problème que j’évoquais concernait la consultation des résultats en cours de trimestre. Même si sacoche est efficace, les familles ont du mal à s’y retrouver et souvent laissent tomber pour attendre le bulletin.
Nous faisons systématiquement signer chaque contrôle pour nous assurer que les parents ont au moins vu les résultats.
Bonjour je suis un élève de 5ème et je préfère les notes car je sais mieux si j’ai réussi mon DS ou pas.
Mais les compétences me permettent quand même, d’avoir de meilleurs résultats.
Voilà je vous ai donner mon avis envers les compétences.