Marie-Hélène Fasquel est enseignante en Anglais au Lycée Nelson Mandela à Nantes. Elle est également l’auteure du livre L’élève au cœur de sa réussite paru en août aux éditions François Bourin. Dans ce livre, elle revient sur son parcours d’enseignante, de ses débuts dans le nord de la France jusqu’à l’après Global Teacher Prize (1), – Marie-Hélène était la finaliste française du prix 2017 – en passant par les différents projets atypiques qu’elle a menés avec ses élèves. Vous découvrirez notamment que Marie-Hélène est une professeure investie qui n’hésite pas à multiplier les échanges avec l’étranger pour permettre à ses élèves de rencontrer des auteurs des quatre coins du monde.
Nous nous sommes prêtés à un petit interview #Profpower pour faire connaissance avec Marie-Hélène en lui posant des questions sur son métier mais aussi sur son livre. Bonne découverte !
Sommaire
Bonjour Marie-Hélène, qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’être professeure ?
J’ai voulu être professeure dès mon entrée au collège. Les professeurs représentaient la connaissance et la découverte, tout ce qui me faisait rêver ! En 5e, Monsieur Engrand en Histoire-Géographie et Madame Weys en Anglais m’ont marquée par leur bienveillance. Ils étaient fascinants, passionnants, ils transmettaient des valeurs qui dépassaient le programme et l’école en général. Mais il y en a pleins d’autres !
Et si vous n’aviez pas été prof, qu’auriez-vous fait ?
Je n’y ai pas vraiment réfléchi… Je veux être prof depuis que j’ai dix ans ! J’aurais souhaité un métier créatif, comme écrivain ou journaliste… Une profession axée autour du voyage et des livres !
Un conseil à la jeune prof que vous étiez ?
Ne pas hésiter à aller observer les collègues, car c’est comme cela qu’on apprend. À l’époque, c’était une pratique peu répandue et je l’ai d’ailleurs regretté. Maintenant, les pratiques ont radicalement changé, grâce aux réseaux sociaux, : les profs échangent, interagissent, partagent leurs ressources. Après le Global Teacher Prize, avec les collègues du monde entier rencontrés à Dubaï, nous avons créé un groupe Facebook où l’on n’a de cesse d’échanger nos idées, nos visions, c’est très enrichissant !
La qualité la plus importante pour être enseignant ?
La bienveillance.
Les 3 tendances qui vous paraissent les plus prometteuses dans l’éducation ?
– Le BYOD « Bring your own device » (2) : être libre d’utiliser tous les outils à disposition des élèves et leur apprendre à s’en servir de manière raisonnée.
– Les outils numériques comme Thinglink, Animoto, Canva qui permettent de mettre en valeur la créativité des élèves.
– eTwinning (3) qui permet de collaborer avec des établissements et des élèves du monde entier.
Ndlr : cliquez-ici pour découvrir la sélection d’outils numériques de Marie-Hélène.
Pouvez-vous nous parler d’un projet eTwinning que vous avez réalisé avec vos élèves ?
Le projet eTwinning qui me tenait le plus à cœur s’est déroulé avec une classe de la réussite. Je voulais faire découvrir la classe inversée à des enseignants qui ne connaissaient pas du tout. J’ai lancé un appel sur la plateforme eTwinning et 17 enseignants m’ont rejointe avec leurs élèves. Les différentes classes ont échangé sur des choses très simples : la nourriture, les fêtes, le roman policier… De nombreuses ressources ont été échangées. C’était compliqué en terme de gestion mais l’expérience a été très enrichissante. D’ailleurs, beaucoup d’enseignants sont devenus formateurs eTwinning par la suite et cela a même abouti à un livret des bonnes pratiques !
Ndlr : retrouvez les détails de ce projet dans le livre L’élève au cœur de la réussite.
Quelle est l’application dont vous ne pourriez plus vous passer ?
Pas une appli mais un outil numérique : Padlet.
Quel est le projet dont vous êtes le plus fière ?
J’ai beaucoup aimé mener le projet « Literature in the making » avec mes élèves. L’idée était de leur faire étudier des auteurs anglo-saxons et de les interviewer ensuite sur Skype. Cela leur a permis de comprendre le rapport entre écriture, écrivain, personnages, narrateur, mais aussi de mieux appréhender le processus créatif et la diversité des auteurs et de leurs styles.
Ndlr : Vous trouverez toutes les ressources de ce projet ici.
L’auteur que vous préférez faire découvrir à vos élèves ?
Shakespeare car l’analyse du texte par les élèves leur permet de confronter leur réalité à celle de Shakespeare et de comprendre que ce n’est pas un hasard si ses œuvres sont encore étudiées de nos jours : les thématiques abordées sont profondément humaines et toujours en nous. J’essaye d’aborder Shakespeare de manière ludique car c’est un auteur difficile. Je leur ai par exemple demandé d’écrire un haïku à partir des scènes 1 et 2 de l’acte I d’Hamlet et j’ai organisé un petit concours. D’ailleurs, l’élève qui a gagné n’y croyait pas du tout et a été très surpris !
Qu’est-ce que vous avez le plus envie de tester avec vos élèves ?
Tout ce qui leur permet de s’exprimer ! Avec la vidéo par exemple, les élèves peuvent partager ce qu’ils font avec d’autres élèves du monde entier et s’inspirer les uns des autres. Dans cet ordre d’idée, je vais mettre en place un projet Booktube (4) cette année. Les élèves vont analyser différents booktubeurs que j’ai présélectionnés : qu’est-ce que fait un booktubeur/euse, qu’est-ce qui les rends singuliers… À partir de cela, les interviewer pour comprendre comment ils ont fait, aussi bien du côté technique que du contenu, pour devenir à leur tour booktubeurs/euses.
Ndlr : Vous pouvez découvrir le projet Booktube de Marie-Hélène par ici . Vous pouvez également vous inscrire à son webinaire gratuit sur ce projet par là (il aura lieu le 5 février 2018 à 19h)
C’est vous qui contactez les écrivains et les booktubeurs/euses ou les élèves ?
C’est moi ! J’ai passé des mois à contacter des booktubeurs/euses pour trouver deux personnes qui acceptent et surtout qui répondent ! Cette démarche a commencé par hasard : sur Twitter j’ai vu qu’un auteur américain m’avait « suivie ». J’ai failli archiver la notification mais je suis retourné voir qui il était ! Et je me suis dit que le faire interviewer par mes élèves serait une bonne idée. Il m’a répondu favorablement assez rapidement et le projet qui devait être une interview d’une demi-heure est devenu gigantesque : cela fait maintenant 3 ans ! Mes élèves ont d’ailleurs réécrit le troisième chapitre de son livre et lui, a mis en ligne leurs productions sur son blog d’auteur ! Les internautes ont voté pour la meilleure suite et les élèves ont tous reçu un marque-page dédicacé !
Ndlr : vous pourrez découvrir ce projet en détail dans le chapitre « La littérature autrement » de son livre.
Vos astuces pour motiver les élèves ?
Pas de recette magique, mais une volonté permanente d’établir un lien affectif et intellectuel avec les élèves. Ils ont des personnalités toutes singulières et il faut donc tirer parti de la richesse de cette diversité. L’association des différents tempéraments des élèves crée un profil de classe qu’il faut savoir identifier et dont il faut savoir tirer profit. S’il y a un terme essentiel c’est l’adaptation : il faut savoir se remettre en question, évoluer avec ses classes et s’adapter à leurs besoins.
Selon vous, quelle est la valeur la plus importante à transmettre aux élèves ?
La confiance en soi et la dynamique de la curiosité, pour les préparer à l’avenir.
“ProfPower”, qu’est-ce-que cela vous évoque ?
Le pouvoir de faire avancer nos jeunes.
Vous venez de publier un ouvrage, L’élève au cœur de sa réussite, pouvez-vous nous en parler ?
L’élève au cœur de sa réussite est un livre que j’ai écrit avec mon époux, Thierry Erhart. Bien qu’il ait avant tout une vocation pédagogique, mon livre imbrique étroitement vie professionnelle et vie personnelle. L’histoire est racontée de façon très simple avec de l’humour et des rebondissements mais c’est aussi un condensé d’idées pratiques dont le but est la progression des élèves.
Dans ce livre, j’ai voulu montrer de l’optimisme, sans pour autant nier les problèmes. Une bonne dose de détermination peut venir à bout de tous les défaitismes. J’ai voulu montrer cela au fil des pages où je raconte des expériences qui ont été profitables aux élèves. Vous y trouverez des productions d’élèves et leur ressenti sur les différents projets que nous avons menés. Il n’y a pas de professeur sans élève ! J’ai encore le petit carnet dans lequel ils se sont exprimés : je leur ai demandé ce qu’ils avaient aimé en classe et ce qu’était l’école du futur selon eux. L’école n’est pas morte, bien au contraire : numérique, relations internationales, créations, rencontres, etc. Vivre des émotions pour développer l’intellect et puis, croire en soi, croire en les autres, croire en l’école de la République : c’est mon credo et celui de ce livre.
À qui s’adresse-t-il ?
Il concerne tous les publics : élèves, anciens élèves, professeurs, étudiants, citoyens. À l’heure où l’on parle de « formation tout au long de la vie », l’école reste un milieu que beaucoup continueront de côtoyer, même adultes. La santé, l’intégrité et la capacité à se renouveler de l’école sont et seront garants du bon fonctionnement général d’une société résolument en mouvement.
Le livre est aussi un 2-en-1 pour les professeurs grâce à la sitographie très fournie (en fin d’ouvrage mais aussi en notes de bas de page) qui permet à tout enseignant (ou élève) de découvrir des projets par dizaines, des ressources pour la classe inversée par centaines et des outils numériques utiles et faciles d’utilisation !
À quoi ressemblerait l’école du futur ?
Ce n’est pas un sujet évident, j’imagine de plus petites classes, un mix entre des MOOCs (5) avec un travail en autonomie à la maison et des activités menées en petits groupes en classe. C’est comme cela que j’aimerais travailler en tout cas !
En parlant de livres (et parce que nous sommes un peu curieux), quelle est votre dernière lecture ?
Purple Ibiscus de Chimananda Ngozi Adichie. Un roman initiatique sur l’adolescence avec en toile de fond la société nigérienne, les inégalités sociales, l’intolérance religieuse et la violence domestique. Ce livre est très dur mais passionnant et très bien écrit.
Pour aller plus loin :
- Le livre L’élève au cœur de sa réussite
- La page Facebook du livre
- La page Facebook de Marie-Hélène Fasquel
- Son compte Twitter : @mariehel2
- Son blog
- Sa sélection d’outils gratuits
- Ses projets 2016-2017
- Ses projets 2017-18 (Booktube et Tacoma)
- Le webinaire gratuit sur L’élève au cœur de sa réussite
- Le webinaire gratuit sur les projets de 2017-2018
- Tous les Padlets mis à disposition des élèves pour chaque leçon étudiée (plus de 100 Padlets de ressources)
- La page Facebook de son tout dernier ouvrage La musique adoucit les mœurs qui sera publié dans les jours à venir
(1) Global Teacher Prize : le Global Teacher Prize est un prix annuel de la Fondation Varkey GEMS, attribué à un(e) professeur(e) innovant(e) et consciencieux/se, dont l’influence a été source d’inspiration pour ses élèves. //www.globalteacherprize.org/fr/
(2) Bring your own device : « Apporte ton propre appareil » (smartphone, tablette, ordinateur).
(3) eTwinning : eTwinning encourage la collaboration entre les établissements scolaires européens grâce à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) en apportant un soutien, des outils et des services aux établissements scolaires. //www.etwinning.fr
(4) Booktube : néologisme qui est une contraction de deux mots anglais : book – soit livre – et YouTube. Les booktubeurs/euses sont des passionnés de livres qui animent une chaîne vidéo sur la plateforme Youtube. Ils y partagent leurs coups de cœurs, leurs découvertes et leurs critiques d’œuvres littéraires.
(5) MOOC (Massive Open Online Course). Il s’agit de formations en ligne ouvertes à tous. Ce sont souvent des universités et des écoles qui les proposent mais aussi parfois des entreprises. Ces formations prennent souvent la forme de vidéos du professeur filmé par webcam, ou bien de diaporamas.