En 2021, les éditions Lelivrescolaire.fr s’attaquent à un nouveau challenge de taille : proposer de nouvelles collections innovantes, collaboratives et en libre accès pour les professeurs et élèves de lycées pro ! Depuis un an, nous avons donc la chance de travailler et d’échanger quotidiennement avec des profs de la voie professionnelle de tous les horizons.
Nous avons eu envie de leur donner la parole. Le premier thème abordé dans cette série d’interviews est la co-intervention.
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Voici le témoignage de Corinne Guitteaud, professeure de Lettres au lycée hôtelier d’Orléans. En plus de ses 20 ans d’enseignement, Corinne est formatrice sur le nouveau programme de Lettres.
Depuis la dernière réforme de la voie pro, la co-intervention s’est vraiment “institutionnalisée” avec un nombre d’heures définies dans les programmes, etc. Pour vous, concrètement, comment cela s’est-il mis en place ?
Concrètement, nous nous sommes regroupés dans la même salle ! Avant la réforme, la co-intervention se faisait dans 2 salles différentes… Les collègues de pro ont été au courant des modifications liées à la réforme au dernier moment malheureusement !
Nous avons mené un projet sur la Renaissance et la gastronomie. En cuisine et service, on a imaginé un repas de la Renaissance, normalement avec mets d’époque, et le service avec annonces en rimes ! Nous avons lié un partenariat avec le château de Meung-sur-Loire, assez proche du lycée.
La Lecture du référentiel de Cuisine-Service est indispensable pour trouver quelque chose à proposer : connaissance des produits, géographie des produits, élaboration d’un menu, argumentaire de vente… C’est presque un projet de chef-d’œuvre en réalité.
Le travail sur l’estime de soi, comment se tenir, s’habiller (costume obligatoire) est un fil rouge sur toute l’année. Les collègues de matières générales comme de matières pro ont adhéré au principe. Dans ce cadre, on a aussi monté une petite expo où les élèves ont présenté leurs recherches (cuisine de la viande à la Renaissance, place des fruits dans le repas, nouveaux mets venus d’Amérique, etc.). Les élèves ont rédigé un “Plaidoyer de la fourchette” et ont travaillé avec une artiste peintre sur la vaisselle (avec une expo au CDI en prolongement de l’activité). La rectrice de l’académie et le consul d’Italie sont venus au lycée pour l’occasion, dans le cadre des 500 ans de la Renaissance !
Quelle préparation cela implique-t-il en amont, de la part des enseignants ? D’une façon pratique, comment avez-vous organisé le binôme prof général/prof pro ?
Je suis arrivée avec le projet devant les collègues d’enseignement professionnel. Il y a tout de suite eu une très bonne réaction des collègues de pro pour adapter le contenu de leurs cours (heures de techno et de co-inter collées, donc pratique pour enchaîner).
On a trouvé un moyen de rebondir sur une émission culinaire (un documentaire sur Antonin Carême) avec un questionnaire et les cours de français sont toujours orientés en fonction de ce que les élèves vont faire en cuisine ( des récits de voyages, en 1re, l’étude du Ventre de Paris, etc.).
On arrive à se retrouver autour de compétences pro sur lesquelles on peut intervenir en Français (l’oral, l’argumentation…).
Comment la co-intervention est-elle prise en compte dans vos pratiques pédagogiques (programmation sur l’année) ?
Je mesure la chance d’être en lycée hôtelier : beaucoup d’œuvres parlent de cuisine ! Toute une séquence peut s’organiser autour des repas dans les romans réalistes. Ici, notre objectif final s’articulait autour du travail du photographe Charles Roux (photos de repas célèbres de littérature). Les élèves devaient imaginer l’histoire autour de la photo (madeleines de Proust, Boucle d’or et les 3 ours, etc.). [//www.charlesroux.com/albums/fictitious-feasts-1/]
Sur l’année, je partage mes cours moitié co-inter/moitié classique, mais la co-intervention est intégrée à la progression sur toutes les séquences (plus difficile sans doute en indus’) d’où le choix d’Au Bonheur des dames.
Maintenant que la co-intervention est officiellement présente dans les programmes, qu’est-ce que ça a changé concrètement ?
L’information est plus partagée pour les repas thématiques avec le programme post réforme. Par exemple sur le repas créole : travail sur l’avocat avec fiche technique… ça oblige les collègues de cuisine à penser un peu plus aux collègues d’enseignement général. Autre exemple, le club manga : le chef d’oeuvre en CAP cette année est un repas japonais, inspiré de notre partenariat avec le lycée Jean Lurçat : les élèves de Lurçat viennent pour un repas japonais au lycée hôtelier, échangent sur leurs lectures de mangas par exemple. Les collègues de matières pro pensent à leur progression aussi en fonction de ce qu’on peut faire en français/maths, c’est très positif.
Pour vous, en tant qu’enseignante, quels sont les avantages et les bénéfices dans le travail en co-intervention ? Et pour les élèves ?
Un des gros avantages de la co-intervention aujourd’hui, c’est le décloisonnement des équipes pédago. Tout le monde perçoit l’importance du Français pour rédiger des fiches techniques, des fiches bilan… Le Français est partout !
Côté enseignement pro, on gagne du temps sur des exos de rédaction qu’on peut faire en français. Cela permet aussi de caser certains contenus de cours de techno qui ont disparu…
La frontière est plus fine entre les “capacités” des profs cuisine/français : les élèves gomment la différence, et souvent je leur dis que j’incarne la cliente lambda, que je ne sais rien ou presque en cuisine (ce qui est vrai 🙂 ).
Quels sont les points de vigilance pour mener à bien des activités en co-intervention ? Quels conseils donneriez-vous à un jeune collègue ?
– Concevoir la progression en intégrant la co-intervention et non en la considérant à part (dans la mesure du possible)
– Rapidement mettre en place le dialogue avec le prof de pro, le travail en binôme est très important. Décomplexer si besoin sur le niveau en Français du collège pro
– Être modeste : c’est un cours où on ne pourra pas tout savoir ! Se référer au collègue, travailler en équipe. Le ridicule ne tue pas ! Désamorcer avec l’humour
– Mettre en avant la complémentarité des enseignants !
Dernière question : avec un peu de recul maintenant, quel est le meilleur souvenir de cours en co-intervention avec vos élèves ?
En service, un des premiers cours de l’année sur l’estime de soi (beaucoup de timides au départ…). Les élèves doivent se croiser dans la cour en faisant semblant de lancer un caillou et en criant “bonjour” (exemple à un client qui rentre). L’idée est de se détendre et d’arrêter de réfléchir, et d’apprendre à utiliser sa voix.
J’ai dû montrer l’exemple 😀 L’exercice se fait sous le regard des adultes et des autres élèves pour permettre de s’extérioriser.
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