La tête reposant sur leurs mains ou leurs avant-bras, vos élèves regardent silencieusement un épisode de Friends (en anglais of course!), ou bien un extrait du film Good bye Lenin!, pour approfondir le cours sur la guerre froide…
Pour certains d’entre vous, l’usage de la vidéo en classe évoque ces moments où l’on s’autorise un écart dans nos pratiques pour approfondir un sujet de manière plus divertissante.
Pour d’autres, la vidéo est un support bien pratique pour illustrer certaines notions ou mener une classe inversée. Vous savez où trouver les capsules vidéos adaptées à vos cours, ou bien… Vous produisez vos propres vidéos, chapeau l’artiste ! 😉
Que ce soit pour vous faire un avis, pour vous lancer dans la vidéo, ou pour vous perfectionner, vous découvrirez ici les avantages et les inconvénients de la vidéo en tant que support d’apprentissage. On vous parlera aussi des bonnes pratiques pour assurer des retombées positives sur les apprentissages.
- Le cours, n’importe où, n’importe quand
- Un outil didactique pour le numérique
- Le rôle de la vidéo dans la mémorisation
- Les limites de la vidéo dans les apprentissages
- Les bonnes pratiques pour rendre vos vidéos efficaces
Sommaire
1. Le cours, n’importe où, n’importe quand
(Si vous avez déjà lu notre article sur la classe inversée, allez directement à la partie 2)
Imaginez une vidéo où votre voix est enregistrée. Vous expliquez une notion, vous utilisez un tableau virtuel sur votre écran, ou vous écrivez les termes importants, des exemples, les dates à retenir, vous dessinez des schémas… Les images associées aux notions apparaissent lorsque vous les abordez à l’oral. De nombreux outils permettent de réaliser cela chez vous (on vous en parle ici) ! Pour mieux visualiser ce que cela peut donner, voici un exemple :
Vous pouvez également vous filmer au tableau, comme en classe ou bien filmer votre bureau : sur une feuille vous prenez des notes, vous dessinez, vous montrez des images…
L’avantage d’un cours en vidéo, c’est l’accessibilité : l’élève peut le consulter n’importe ou, lorsqu’il est publié sur une plateforme vidéo (comme Youtube par exemple). La vidéo est aussi un support intéressant pour mener une classe inversée (le cours est vu à la maison et l’application effectuée en classe).
Les élèves peuvent ainsi manipuler la vidéo selon leurs besoins : lecture, pause pour prendre des notes, revenir en arrière… Cela allait trop vite en cours pour une partie de vos élèves ? Avec la vidéo, chacun peut aller à son rythme. Ce qui implique que les élèves disposent d’un moyen pour visionner la vidéo (smartphone, tablette).
2. Un outil didactique pour le numérique
Eh oui, c’est une des compétences du socle, et cela concerne toutes les matières et même les EPI !
Pour expliquer à vos élèves comment manipuler un logiciel comme un tableur ou un logiciel de programmation, ou pour un projet nécessitant la vidéo ou une réalisation graphique, rien de tel qu’un petit tutoriel en vidéo qui vous évitera de perdre trop de temps sur les explications “techniques”. Vous pouvez filmer votre écran grâce à un logiciel de screencast (vous savez, ces vidéos où l’on voit l’écran du formateur et dans lesquelles on entend uniquement sa voix). Vos élèves peuvent ainsi la regarder et la re-regarder à volonté et bien voir où ils doivent cliquer.
3. La vidéo et la mémorisation
L’image
Parmi les techniques pour mieux apprendre : la création d’images mentales. Associer une image et des indices contextuels à une date, à une phrase, ou à une procédure, permet de mieux se la remémorer.
Association d’image pour le vocabulaire d’anglais : a duck, un duc, un canard
Travailler avec l’image, c’est faciliter le principe d’association : les images mentales, que l’élève doit lier entres elles par un lien de sens, sont données. Il n’a pas à les créer de toutes pièces.
On a l’habitude de travailler ce principe d’association avec des images fixes, sur des manuels comme les nôtres par exemple ;), ou bien de dessiner un schéma au tableau. La vidéo peut être un autre médium qui apporterait un petit quelque chose en plus, mais sous certaines conditions d’utilisation que nous aborderons en dernière partie.
Le son
Proposer un contenu provoquant une émotion peu agir positivement sur la mémorisation : par exemple, l’ajout d’une musique, ou de bruits à une image (intégration de sons bizarres, drôles, dramatiques, étonnants dans les images mentales). La vidéo est un outil pratique pour associer le son à l’image.
L’aspect dynamique
La vitesse de succession des images dans une vidéo donne un aspect dynamique qui peut avoir un effet sur l’attention, car l’œil est attiré par le mouvement. La vidéo permet également de montrer comment les différents éléments d’un phénomène s’animent entres eux.
Par exemple, pour comprendre des notions telles que la symétrie, les élèves doivent se représenter les déplacements. Les vidéos sont très bien adaptées lorsque l’on veut aider à construire mentalement la succession d’étapes dans un processus. Barbara Tversky et Julie Morrison (Université Stanford), associées à Mireille Bétrancourt (Université de Genève), ont appelé cela le « principe de congruence » : ce que montre un document doit être le plus proche possible de la représentation en mémoire que l’apprenant doit générer. Par conséquent, la nature dynamique des vidéos est très bien adaptée pour l’apprentissage des notions comprenant une dimension temporelle.
Franck Amadieu et André Tricot, les deux auteurs de l’ouvrage « Apprendre avec le numérique, mythes et réalités », relèvent aussi un phénomène intéressant. Bien utilisées, et surtout bien réalisées, les vidéos pourrait aider l’apprentissage des élèves ayant une habileté spatiale insuffisante.
L’habilité spatiale ? C’est le fait de représenter des choses mentalement, de les mémoriser et de les manipuler pour les rendre mobiles : à partir d’images fixes, d’une lecture ou d’un discours oral, les élèves créent eux-mêmes la nature dynamique de l’information. On appelle également cette capacité “l’intelligence de l’œil”. Par exemple, l’invention du moteur et la théorie de la relativité ont été créées à partir de la visualisation spatiale.
Un exemple d’exercice sollicitant la visualisation spatiale :
Est-il possible de remplir la figure jaune, avec les autres figures à gauche ?
Une vidéo montrant l’animation d’un processus, étapes par étapes, aiderait les élèves ayant des difficultés à se représenter mentalement des mouvements. Ils pourraient ainsi se construire une représentation de la dynamique des informations, ce que l’image fixe ne peut pas transmettre. Néanmoins, vos élèves ayant une bonne habileté spatiale apprendront tout aussi bien avec des images fixes !
4. Les limites de la vidéo dans les apprentissages
Les preuves d’une efficacité supérieure aux pratiques traditionnelles manquent
Les études menées en psychologie des apprentissages il y a quelques années ne permettent pas de prouver qu’une vidéo a plus d’impact sur les apprentissages que l’utilisation d’images fixes. Ce n’est que très récemment que de nouvelles pistes d’études se sont ouvertes pour mesurer les gains en terme d’apprentissages : on sait mieux comment réaliser une vidéo efficace, favorisant la compréhension et la mémorisation.
Passivité et hiérarchisation de l’information
Pour ne pas tomber dans un usage passif de la vidéo, l’élève doit apprendre à faire le tri des informations utiles ou non et donc posséder des compétences dans la sélection d’informations. Le caractère fugace des contenus, le fait que l’image soit en mouvement, et que les informations se succèdent en disparaissant… il peut être plus difficile pour certains élèves d’effectuer une hiérarchisation. La simultanéité des différentes images apparaissant à l’écran, ainsi que la superposition d’éléments visuels et sonores, peuvent brouiller le message initial et rendre la rétention d’information plus difficile. Enfin, l’élève ne peut pas accéder rapidement aux étapes déjà traitées, comme il est possible de le faire avec des images fixes, il doit reprendre la vidéo, trouver le passage nécessitant une révision. L’apprentissage peut donc être plus compliqué avec la vidéo, surtout lorsque celle-ci dure longtemps et aborde plusieurs notions.
E-learning : la vidéo de cours VS le texte et l’image
Concernant le fait d’étudier le cours à la maison, comme c’est le cas pour la classe inversée, il existe une étude plutôt intéressante sur le sujet.
Elle pose la question de l’usage de la vidéo dans le e-learning et compare les résultats des apprenants utilisant soit une vidéo simple, soit une vidéo interactive sur un LMS (Learning Management System), soit pas de vidéo du tout. La vidéo interactive, associée à un contenu textuel, où l’utilisateur peut maitriser le défilement semble présenter plus d’avantages.
Voici les conclusions de cette étude intitulée “Instructional video in e-learning: Assessing the impact of interactive video on learning effectiveness”, menée par Dongsong Zhang, Lina Zhou, Robert O. Briggs, et Jay F. Nunamaker.
Les étudiants du groupe utilisant une simple vidéo obtiennent un niveau aux tests équivalent à ceux ayant étudié sans la vidéo. Certains mentionnent une difficulté à chercher une portion spécifique de la vidéo, et d’autres étaient réticents quant au fait de regarder à nouveau la vidéo lorsqu’ils ne l’avaient pas comprise. L’étude a démontré qu’utiliser une vidéo simple dans un environnement e-learning n’était pas suffisant pour améliorer significativement l’apprentissage.
En revanche , cette étude montre un apport plus positif avec les vidéos interactives.
Qui sont faites comme ça :
La vidéo est hébergé sur un LMS : cela permet d’associer vidéo et slides de textes. À chaque séquence vidéo, le nouveau texte correspondant s’affiche.
Le contrôle de l’accès au contenu permet de meilleurs résultats en termes d’apprentissage et une plus haute satisfaction de l’apprenant. L’interactivité dans le contenu vidéo permet donc d’améliorer l’efficacité de l’environnement e-learning.
5. Les bonnes pratiques pour rendre vos vidéos efficaces
Voici les 4 commandements pour réaliser une vidéo PAR-FAITE.
Une vidéo courte, tu feras
Il a été établi par des théoriciens de l’éducation que l’attention de l’apprenant sur un sujet dure en moyenne entre 10 et 18 minutes. Par ailleurs, nous avons vu plus haut qu’il ne fallait pas donner trop d’informations dans une vidéo, étant donné le caractère transitoire des images et des explications sonores. Donc optez pour une vidéo entre 3 et 7 minutes maximum pour les collégiens, en fonction de leur âge. Cela leur donnera le temps de digérer l’information. Il faudra donc diviser le cours en de nombreuses séquences en traitant un nombre très limité de notion à chaque vidéo.
L’information tu segmenteras
Il est aussi important de faire ressortir les notions essentielles. Ecrivez le moins de contenu possible, concentrez-vous sur l’essentiel. Marquez des ruptures dans votre vidéo en utilisant des “slides” avec des intitulés comme “À retenir”, avec de courtes phrases, des notions clés. Cela permet d’insister sur l’importance de certaines informations. On peut également les signaler avec d’autres types d’indices visuels comme une couleur spécifique ou des flèches. L’attention sera donc orientée sur les éléments incontournables de l’animation.
Les connaissances, tu réactiveras
Une des techniques de mémorisation pour l’apprenant est de se poser soi-même des questions sur le cours. Proposer quelques questions à la fin de la vidéo ou via un QCM sur une plateforme numérique permet de réactiver les informations vues dans la vidéo. Et qui sait, cela lui apprendra peut-être à adopter la démarche de s’auto-questionner en autonomie !
Un scénariste, tu deviendras
Pour que votre vidéo ait le plus d’impact possible, il faut que l’information soit très claire. Pour cela, pas de longues phrases, pas de répétition, pas de retour sur une information que l’on aurait oublié de mentionner.
La solution est de créer un script précis (cela permettra aussi de limiter le temps de tournage et les ratés) et de l’apprendre par coeur. Les images à commenter, les animations sur l’écran peuvent être filmées en amont, pour que la vidéo soit fluide. Enfin, travaillez bien votre diction, car le rendu sonore de la vidéo après montage peut différer et être de qualité moindre.
THE END
Vous êtes arrivés au bout de cet article ! Nous vous remercions pour votre patience et votre détermination et espérons que ce fut une lecture agréable. Si vous souhaitez des astuces pour commencer à faire vos premières vidéos, vous pouvez consulter notre boîte à outils par ici.
Et en bonus, quelques exemples de vidéos :
Merci pour cet article ! Je réalise des vidéos de cours histoire et géo pour le collège. Il y en a peu car cela est un vrai travail, environ 3h pour 3 minutes de vidéos mais les retours sont motivants 🙂
//www.youtube.com/user/merlouz811
Bonjour Emilie, je réalise aussi des capsules vidéo en Histoire Géographie. C’est vrai que c’est un travail important mais les élèves adhèrent. Comment procèdes tu pour les retours d’acquis? Nous pourrions échanger sur ce principe.
A vrai dire Jérôme, je n’ai pas vraiment crée de supports pour retour d’acquis. Mon état d’esprit est loin du “flicage”. Ainsi, c’est une ressource parmi d’autres que je leur propose: ils “consomment” s’ils souhaitent. Mais c’est vrai que je pense qu’elles ne sont, du coup, pas exploitées à leur juste valeur.
Oula “flicage”, je ne suis pas du tout dans cet état d’esprit non plus. Juste un retour oral de la part de ceux qui ont visionné….. L’objectif étant toujours d’aider les élèves à progresser 😉
En réalité, un ado reste un ado. Et à vrai dire, sans obligation de leur part, peu vont visionner. La plupart des élèves qui commentent et échangent avec moi ne sont pas mes élèves ! Mais qu’importe.
Je réfléchis tout de même à un retour plus concret pour exploiter vraiment ces vidéos.
Merci pour ce partage. Je n ‘imaginais pas pouvoir trouver autant de ressources ici. Je trouve que ” intelligence de l œil” resume bien l’ efficacité de la démarche et les habiiltés implicites qu elle intègre ã l apprentissage. Bravo!