Ce mois-ci, nous prenons le large ! Direction la Scandinavie pour poser notre cartable en Finlande, avec ses 5,5 millions d’habitants. Plusieurs fois sur le podium du classement PISA (Program for International Student Assesment) mis en place par l’OCDE, le système éducatif finlandais semble être l’une des grandes références en termes d’éducation. Il est pourtant difficile de comparer les systèmes éducatifs entre eux tant de nombreuses variables entrent en compte : la culture du pays, les objectifs à atteindre, le tissu social, les moyens… On va vous raconter ici, ce qui fait la spécificité du système éducatif finlandais.
Sommaire
Un système éducatif qui se veut équitable…
L’objectif de la réforme mise en place dans les années 70 en Finlande était de construire un système éducatif équitable pour tous.
La devise du système éducatif finlandais pourrait être : n’abandonner aucun élève en chemin.
Différentes mesures ont ainsi été prises afin de réduire le coût de l’école pour les plus démunis. La cantine est gratuite, ainsi que les transports scolaires, les fournitures et les manuels. Ces dépenses relèvent de chaque municipalité. Les inégalités sont très faibles entre les élèves. Mais comment font-ils ? On va vous donner quelques pistes de compréhension…
… ce qui demande une pédagogie très individualisée
C’est vraiment ce qui caractérise l’éducation en Finlande. Le pays a notamment mis en place un système un peu particulier d’aide aux élèves en difficulté : dès l’âge de 5 ans, la Sécurité sociale fait passer aux enfants un test pour évaluer à la fois leurs capacités cognitives et physiques. Ce test va permettre de repérer très tôt les élèves ayant des troubles de l’apprentissage – ces derniers bénéficieront d’un soutien individualisé tout au long de leur scolarité. Il peut s’agir d’un soutien général ou par matière, qui s’effectue en groupe de 5 à 6 élèves. Beaucoup d’élèves suivent cette aide durant les 9 premières années de leur scolarité.
Près de la moitié des élèves ont eu recours à une forme d’aide personnalisée durant leur scolarité.
Les enseignants ont la mission d’apprendre à connaître les élèves, et surtout, de découvrir quelle est la meilleure façon pour eux d’apprendre. Ont-ils une mémoire visuelle, auditive ? Il est par exemple courant de diviser leur classe en deux groupes afin de tester différents protocoles d’apprentissage, et déterminer ainsi le type d’exercice qui fonctionne le mieux selon les enfants.
Cette individualisation est facilitée par un taux d’encadrement exceptionnel : à l’école primaire et au collège, les enseignants sont accompagnés d’un assistant d’éducation. Celui-ci peut prendre un charge un petit groupe d’élèves ayant besoin d’une aide particulière. Et surtout, les classes ne sont en moyenne composées que de 20 élèves… Forcément, ça aide pour connaître les besoins de chaque élève. Les effets s’en ressentent côté individualisation !
En Finlande, les élèves ont jusqu’à leur 9 ans pour apprendre à lire. À chacun son rythme !
Des élèves responsabilisés dans leur parcours scolaire
Dès l’âge de 13 ans, les élèves peuvent choisir certains de leurs cours, comme des options. La composition des classes est donc variable. Pour mieux appréhender les choix d’options, chaque élève bénéficie du programme national d’information et d’orientation : soit 3 heures de cours hebdomadaires consacrées à des projets personnels. Ils sont guidés par des conseillers d’orientation, qui sont des professeurs ayant reçu une formation spécifique. Ces séances s’organisent par classes mais aussi individuellement. Après 16 ans, les élèves ont encore 1 heure de cours par semaine pour réfléchir à leur projet d’orientation !
Des horaires favorisant les activités extra-scolaires
Le système éducatif finlandais comprend des rythmes scolaires bien différents des nôtres. La journée typique d’un élève se compose en moyenne de 6 heures de cours, mais les cours se terminent entre 13h et 15h (selon les options choisies). Les cours ne dépassent pas 45 minutes et sont espacés d’une pause de 15 min. La pause méridienne n’est que de 30 minutes. Les étudiants finlandais ayant très peu de devoirs, le reste de leurs journées est en très grande partie consacrée à leur temps libre ou à des activités extra-scolaires gérées par les municipalités.
Mais pourquoi ont-ils si peu de devoirs ? À écouter les Finlandais, cela relève d’une vision partagée par les parents et les enseignants, selon laquelle la motivation peut diminuer si le volume de travail demandé est trop important.
Une évaluation tardive
En Finlande, les élèves ne sont pas notés avant l’âge de 11 ans. Les professeurs évaluent néanmoins très fréquemment leurs élèves pour connaître leur niveau et adapter les groupes de travail – mais les résultats de ces évaluations ne sont destinés ni aux parents ni aux élèves.
C’est seulement à 13 ans que les élèves font l’expérience des notes. Elles n’ont rien à voir avec celles que nous connaissons. La notation se fait à l’aide d’un barème de 4 à 10 points, avec l’absence totale du zéro. Il faut atteindre un minimum de 5 pour valider un examen.
Le but : ne pas pénaliser ce que les élèves ne savent pas, mais valoriser ce qu’ils connaissent.
Un environnement scolaire agréable
En Finlande, la taille des établissements scolaires est limitée et les conditions matérielles sont excellentes. Les collèges comptent entre 300 et 400 élèves. Un effort est mené sur la qualité des locaux : décorations, bâtiments rénovés, salles de classes spacieuses. On peut aussi trouver dans les établissements… des salles de repos, pour les élèves mais aussi pour les enseignants. Ces derniers ont souvent leurs propres espaces de travail, et on trouve ça plutôt top. Les salles de classe sont également bien équipées en matériel multimédia et numérique.
Voici les photos d’un établissement finlandais, la salle de musique est plutôt engageante, non ?
Le statut social des enseignants
Le pays attache également énormément d’importance à la formation des enseignants : le concours est très exigeant. Pour les professeurs des écoles, on compte en moyenne 15 candidats pour un poste, et pour les autres formations d’enseignants confondues, 6 candidats pour 1 poste. A titre de comparaison, en France en 2013 et 2014, le ratio est de 2,6 candidats pour 1 poste dans le secondaire.
La sélection se fait à l’entrée et non à la sortie des études comme par chez nous. Lettre de motivation et CV sont exigés. Une expérience d’un an en tant qu’assistant d’éducation est un vrai plus. On évalue aussi l’intérêt des candidats pour les enfants et leurs compétences humaines. Des épreuves en groupes peuvent avoir lieu dans certaines facultés : un débat sur une question d’éducation est organisé, afin d’évaluer aussi les qualités d’expression, d’écoute, et le comportement des candidats au sein d’un groupe.
En Finlande, les professeurs réalisent en fait une sorte de double cursus : les professeurs de collège et de lycée enseignent la matière pour laquelle ils ont été formés et dont ils sont diplômés, mais leur master est systématiquement assorti d’une spécialisation en sciences éducatives. Quant aux professeurs des écoles, ils sont titulaires d’un master en sciences de l’enseignement, avec une spécialisation en méthodes pédagogiques. Leur formation prévoit aussi des expériences dans des situations réelles d’enseignement. A la sortie de leur cursus, ils sont considérés comme des experts – le rôle de prof est très valorisé au sein de la société : ça rend les choses plus faciles que chez nous !
En Finlande, être prof, c’est comme être médecin ou avocat… Ça fait rêver !
Bon, le salaire n’est certes pas le même, mais ce n’est pas pour autant que le concours d’entrée est moins fréquenté.
Les enseignants postulent ensuite auprès des établissements, dont la direction est chargée du recrutement. Ils commencent généralement en CDD et atteignent le statut de fonctionnaire par la suite.
Une grande liberté pédagogique
Il faut savoir que les établissements possèdent une grande part d’autonomie : ils choisissent leurs propres modalités de fonctionnement et d’organisation. Les objectifs nationaux sont adaptés en tenant compte du contexte local. Le corps des inspecteurs a d’ailleurs été supprimé, ce qui témoigne de la confiance accordée à la communauté pédagogique de chaque établissement. Les professeurs jouissent eux aussi d’une grande liberté.
Le budget de l’éducation en Finlande
Ce qui est le plus surprenant, c’est que le budget de l’éducation est similaire à celui de la France. Comment concilier un environnement scolaire agréable, et un taux d’encadrement si élevé avec des moyens constants ? C’est un des revers de la médaille : en Finlande, il n’y a par exemple pas de vie scolaire, nous l’avons évoqué précédemment. Ce sont les professeurs qui cumulent toutes ces responsabilités…
Des changements pour 2016
Récemment, le gouvernement Finlandais a affirmé sa volonté d’adapter davantage l’enseignement aux enjeux contemporains. Cela devrait se traduire par la mise en place d’enseignements transversaux et interdisciplinaires. Les disciplines ne disparaîtront pas, mais des cours spéciaux – transdisciplinaires – sur des sujets de société vont faire leur apparition. Par exemple, un enseignement sur le thème de l’Union européenne, mêlera les cours d’histoire, de géographie, de langues et d’économie. A Helsinki, 70 % des enseignants des lycées ont déjà été formés à ces nouvelles pratiques.
Un accent est également mis sur le fait d’aider les élèves à acquérir leurs propres processus d’apprentissage et de les analyser, pour les rendre plus autonomes. La capacité d’apprendre est vue comme une compétence devant être systématiquement promue. Tiens tiens, cela ne vous rappelle rien ?
Et pour finir : la bonne résolution 2016 du gouvernement finlandais
Le système éducatif finlandais a décidé de ne plus rendre obligatoire l’apprentissage de l’écriture cursive, pour développer les cours de frappe au clavier et d’écriture électronique. Une adaptation de l’enseignement à la place nouvelle du numérique dans la vie courante. De là à ce que les élèves ne sachent plus utiliser un stylo…
Pour en savoir plus sur les méthodes d’éducation de nos chers voisins finlandais :
Cet article laisse place à un interstice dérisoire à la critique, certes, mais l’éloge du “modèle” finlandais reste encore et toujours à la mode. Or une critique importante de ce système éducatif est disponible via un lien proposé par vos soins : Recherches en Education, n°16, juin 2013, Le mythe de l’éducation finlandaise, numéro coordonné par Fred Dervin : Luc Leguérinel, « Un point de vue critique : La Finlande, vers un modèle éducatif néolibéral ? », p. 80. (//www.recherches-en-education.net/IMG/pdf/REE-no16.pdf). Lecture indispensable et qui remet pour l’essentiel en question l’idée de s’inspirer de la Finlande.
Bonjour,
Je suis intéressée par votre article, je compte faire mon mémoire sur le système éducatif finlandais. Pourrais-je avoir les sources de votre travail svp ?
Merci de votre réponse.